Permaculture: un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout


Voici un des 2 derniers articles que nous avons publiés dans le dernier numéro du Yo’yo, Le journal d’infos culture, loisirs, écologie des Parents. Cette fois-ci nous souhaitions aborder sans prétention le sujet ô combien controversé de la permaculture avec l’idée de déculpabiliser celui qui, par crainte de mal faire, hésiterait à se lancer dans ce mode de jardinage plus respectueux de son environnement, mais relevant aussi d’une approche plus ou moins ou moins complexe. Vous retrouverez cet article aux pages 22,23 et 24 de l’édition Hiver 2020

Permaculture : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout

Il est de plus en plus fréquent aujourd’hui d’entendre parler de « permaculture« , pas toujours à bon escient, souvent limitée à des méthodes de jardinage, volontiers assimilée avec une espèce de mode écolo-bobo-New-Age. Les rayons jardin des librairies foisonnent de propositions de lecture, les réseaux sociaux alimentent sans fin les débats entre les néophytes pétris d’une bonne volonté hésitante et les plus-perma-que-moi-tu-meurs. Alors butte ou pas butte ? Ou quand à force de simplification, la permaculture ne se résume plus qu’aux dogmes de la lasagne (1) et du bois enterré …..ou pas !

Permaculture: Difficile tout de même de cerner d’emblée la réelle signification du terme. Un mot valise qui réunit permanence et culture, mais encore ? Et dés lors qu’on commence à comprendre qu’il s’agit d’un concept complexe qui ne concerne pas seulement une méthode de jardinage, mais une approche holistique, un véritable projet de société, un acte quasiment politique, il y a là quelques raisons de se poser des questions sur l’achat de notre belle grelinette (2). La permaculture et tout l’engouement et les polémiques qu’elle suscite a au moins l’intérêt d’accentuer un éclairage sur les méthodes de cultures alternatives à l’agriculture et au jardinage conventionnels qui pendant longtemps se sont satisfaits d’un asservissement de la nature sans porter grand cas de l’appauvrissement de la biodiversité, la dégradation des sols et l’impact sur notre santé.

Alors oui, il est possible de dire qu’on pratique la permaculture au jardin sans pour autant avoir l’ambition de faire « La révolution d’un brin de paille »(3), titre de l’ouvrage écrit par Masanobu Fukuoba qui influença les fondateurs de la permaculture. Avant que Bill Morisson et David Holmgren (4) endossent la paternité de ce concept, les travaux de cet agriculteur et microbiologiste japonais ouvraient des perspectives qui sonneraient presque comme une évidence aujourd’hui : obtenir des rendements de riz et d’orge au moins équivalents à ceux de l’ agriculture conventionnelle, sans travail du sol (sous couverture de trèfle), sans désherbage mécanique, sans engrais préparé et sans pesticide. Des méthodes qui s’inscrivent aujourd’hui dans celles du jardin biologique ou naturel et plus encore de l’agroécologie que certains des plus vertueux d’entre- nous s’emploient à appliquer sans se déclarer pour autant permaculteur. Ces pratiques qui relèvent du bon sens, de l’expérience et de l’observation ne sont aussi pour beaucoup qu’un retour de savoir et de savoir-faire anciens. Un des principes de la permaculture est la prise en compte de l’environnement immédiat, les spécificités du terrain, les conditions géographiques et climatiques, la biodiversité locale, les associations de plantes, la gestion de l’eau, l’absence de produits chimiques issus de la pétrochimie, le labourage modérés des sols ,les amendements naturels, … ce à quoi les anciens se sont appliqués pendant des siècles avant l’arrivée de l’agriculture intensive, la mécanisation des moyens, la société de consommation et les multinationales de l’agroalimentaire.

Quelques principes du jardin en permaculture

Puisque la permaculture s’inspire du fonctionnement de la nature, des échanges invisibles entre les différents éléments du vivant, il va falloir dépasser les dogmes et ne pas vouloir s’imposer des standards comme la fameuse pratique de culture sur buttes. Systématiquement associée à la permaculture, elle trouve un intérêt sur des sols peu fertiles, en zone humide ou froide, mais peut être un non-sens dès lors qu’on sature de matières organiques une terre déjà fertile.

Dans une logique de bon sens, un des ingrédients de la permaculture c’est le temps. Cette notion qui nous est de plus en plus étrangère. Ce temps nécessaire à l’observation, à la compréhension de notre environnement immédiat, de la disposition du terrain, des climats dominants, de la nature du sol et la mise en place progressive des zones de cultures. Parfois très (trop ?) théorisé, ce type de jardinage réclame de dépasser cette étape théorique (certes importante) car seule l’expérimentation, les erreurs et les échecs nous apprennent. Certes l’autonomie alimentaire est un des grands desseins du concept global de la permaculture, mais pour ce qui concerne un jardin potager, il va falloir faire preuve de modestie et de patience. Aussi remarquables puissent être les résultats de ces principes de culture, on s’inscrit là dans un jardin durable avec un sol vivant, productif, compris comme un écosystème à part entière qui ne va pas forcément répondre immédiatement à notre désir de belles récoltes.

Alors butte ou pas butte ?

Pour revenir aux fameuses buttes, lasagnes en sandwich et autres réalisations du genre, à partir du moment ou on envisage de se lancer, il faut comprendre qu’il y a autant de manière de faire que de jardins et de jardiniers. Ne serait ce que par rapport aux matériaux récupérés aux alentours du jardin, du type de bois et de végétaux à disposition, mais aussi au climat dominant (une butte doit être pensée différemment dans le Poitou ou en Provence) et aux dispositions même du jardinier. Quand à savoir si il faut enfouir le bois au fond d’une butte ou considérer que sans oxygène il ne pourra se dégrader et les champignons s’y développer, là encore c’est sans doute une question de bon sens et d’expérimentation. Si on s’appuie sur l’exemple d’une forêt, le bois et l’ensemble de la matière organique qui tombent au sol sont transformées en humus avant de glisser dans les profondeurs, nourrissant au passage les végétaux. Les anciens ne se sont jamais que contenter d’entasser des couches de déchets organiques divers pour y cultiver dessus.

Voici quelques principes importants à ne pas perdre de vue. Cela ne fera peut être pas de vous le parfait perma, mais contribuera à apporter du sens à votre projet de jardin.

  • Un sol ne doit jamais être nu, Été comme Hiver afin de maintenir la vie du sol
  • Renoncez au labourage profond qui retourne le sol et préférez lui le décompactage qui s’avère peu nécessaire si le sol reste bien couvert
  • Évitez de piétiner les zones de cultures et le tassement
  • Apportez régulièrement de la matière organique à partir du recyclage de vos déchets ménagers et du jardin
  • Sélectionnez vos graines, celles qui vous paraissent au fil du temps les plus adaptées à votre jardin et les plus productives. Et tant qu’à faire reproduisez vos propres graines
  • Favorisez la polyculture, les cultures serrées, le mélange d’aromatiques, de plantes à fleurs et potagères
  • Encouragez le maintien de la biodiversité en introduisant des plantes variées, en évitant les tontes des espaces encore en fleurs, en laissant de la place aux variétés sauvages
  • Utilisez (toujours avec modération) des traitements naturels et évitez sinon limitez l’emploi de la bouillie bordelaise et du souffre
  • Réfléchissez sur la meilleure méthode et l’impact à long terme d’un traitement quelconque devant les épisodes invasifs . Ils sont souvent ponctuels et dans le temps des équilibres s’installent (ex : ravageurs/prédateurs) permettant de réguler naturellement les choses comme dans un bois ou un pré
  • Entourez vous de haies vives qui servent d’abris et de zones tampon avec les espaces dégagés.
  • Et surtout partagez votre jardin, vos plantes, vos graines, vos expériences et vos envies. ……………………………………………………………………………………………………………………..Ceci n’est qu’une liste peu exhaustive qu’on peut retrouver dans bon nombre d’autres modes de jardinage biologique.

Vous l’aurez compris, la permaculture ne peut se résumer à quelques dogmes qu’il faudrait suivre à la lettre. C’est un art de vivre qui laisse énormément de place à l’observation, à l’intuition, à l’expérience et au partage. C’est une forme de philosophie qui nous invite à être en harmonie avec la nature et à respecter le bien le plus précieux: la Terre.

1: culture en lasagnes: plantation sur un support réalisé par la superposition couches de végétaux et de déchets 2: Grelinette: Outil de jardinage à 2 manches basée sur le principe du levier, inventé par André Grelin dans les années 1960 3:La révolution d’un seul brin de paille: essai sur l’agriculture naturelle écrit en 1975 4 :Bill Morisson et David Holmgren : scientifiques australiens auxquels on attribue le concept de permaculture, auteurs de Perma-Culture en 1978.

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